Un manifeste afrofuturiste ougandais qui défie les genres. La vision singulière de la musique électronique est-africaine du producteur, danseur et chorégraphe Faizal Mostrixx est une tapisserie sonore luxuriante de polyrythmies, de styles de danse modernes, d'amapiano, de chants cérémoniels du bassin du Nil et d'enregistrements de terrain panafricains.

Pilier de la scène électronique explosive de Kampala, Mostrixx a collaboré avec le collectif Nyege Nyege et a participé aux éditions africaine et européenne de leur festival. Mutations est le premier album de Faizal pour Glitterbeat, après l'acclamé EP Transitions (mai 2022).

'Afrofuturism is a way to describe the meeting of the electronic and the tribal. It's about bringing the past into the now and then imagining how it could be expressed in the future' -- Faizal Mostrixx

L'afrofuturisme a toujours été là, porté par la rencontre entre les sons traditionnels et les possibilités offertes par chaque nouvelle génération de technologie. Un style, oui, mais plus encore un impératif, un état d'esprit, peut-être même un état d'urgence.
Faizal est avant tout un danseur, mais il a trouvé le temps d'absorber une gamme complète de styles de musique électronique, après une solide formation aux sons plus anciens. Très tôt, sa mère l'a emmené dans des salles d'entraînement où se produisaient des groupes de danseurs traditionnels, essentiellement féminins, accompagnés de percussions, de chants et de danses, tandis que son père, chauffeur de camion, ramenait à la maison des CD et des cassettes de musique traditionnelle et de pop, principalement du Kenya et du Congo. Comme le dit Mostrixx, « j'ai commencé par la danse avant de faire de la musique. J'ai beaucoup expérimenté différents styles pour mes performances. Hip-hop, styles urbains, dubstep, techno. Plus tard, j'ai commencé à produire mes propres morceaux. »

Musicalement, son expression s'appuie d'abord sur l'héritage ougandais, en particulier ses rythmes variés et le style de musique spécifique jouée lors du kadodi, une ancienne cérémonie de circoncision que Mostrixx décrit comme « une tribu qui crée une énergie de bravoure pour entrer en transe ». Ces rythmes locaux anciens sont contrebalancés par des influences plus lointaines : des éléments downtempo, deep et afro house se mêlent au dub sub-lourd, au footwork et à l'amapiano, des polyrythmies d'Afrique de l'Est et du Sud, des styles urbains modernes et des chants millénaires du bassin du Nil. Les horizons s'élargissent encore avec des enregistrements de terrain de l'Ouganda, du Congo, de l'Éthiopie et de la Tanzanie, certains réalisés par Mostrixx et d'autres, datant des années 1950, provenant de la Bibliothèque internationale de musique africaine. Ces enregistrements sont intimement imbriqués dans le tissu sonore du disque.
 
Ce panafricanisme culturel ne doit pas occulter le fait que Faizal Mostrixx est un artiste qui trace sa propre trajectoire, une trajectoire qui transcende l'éthique du producteur et le fonctionnalisme prêt pour le dancefloor d'une grande partie de la musique électronique contemporaine. Mutations est avant tout une œuvre qui se nourrit de la friction créative entre différentes formes musicales couvrant diverses régions et histoires africaines, mais avec le caractère et les intérêts de l'artiste au premier plan.

L'album comprend des participations de l'artiste du Lesotho, Morena Leraba, en forme impérieuse sur "Loosely", des chants du chanteur, compositeur et multi-instrumentiste ougandais Giovanni Kiyingi. Le morceau d'ouverture de Mutations, est construit autour d'une magnifique acapella de Kebenesh, une femme qui coupe des oignons au restaurant de l'Alliance éthio-française d'Addis-Abeba, que Mostrixx a enregistrée dans un studio improvisé. « Elle chantait à propos d'un amant perdu qu'elle cherchait dans la ville », se souvient-il. « Elle ne parlait pas anglais, nous avons communiqué par le biais du langage corporel et d'autres personnes. Je trouve ce genre de collaboration magnifique ». Une preuve supplémentaire de la boucle de rétroaction fructueuse entre la chorégraphie et la musique qui rend ce disque si agréable.

Pour le public non africain, ou peut-être plus particulièrement pour ceux qui ont grandi avec un certain "son africain", la nouvelle musique électronique qui émerge de villes comme Kampala est un peu un choc. Tant mieux : c'est le but. L'immobilisme auquel certains aspirent ne sert à rien, et Faizal Mostrixx n'en montre aucun signe.

'We're always transforming into something. The universe is also always mutating. The weather, the moon, the seasonal changes, new viruses. Mutation is life, basically. Having all these fragments, I like putting them together, imagining life further ahead, creating this world of Afrofuturism' -- Faizal Mostrixx