Auteur : Marie Catherine Hortense Desjardins, connue sous le nom de Madame de Villedieu (1640-1683).
Introduction, notes et annexes par Hédia Khadhar
Première réédition.
Le discours féminin est aujourd'hui à la mode, mais quand il nous vient d'un passé lointain, il ne renouvelle pas seulement la vie littéraire, il redonne à penser l'histoire littéraire. Quel rôle a pu jouer telle femme écrivain ? Pourquoi a-t-elle sombré dans l'oubli ? Au XVIIe siècle, la place des femmes parmi les romanciers était très importante. À partir de Mademoiselle de Scudéry, elles opèrent pour ainsi dire une mainmise sur le roman. Durant un siècle de 1665 à 1750, les romancières vont introduire dans le roman un regard nouveau sur l'expérience des passions.
Madame de Villedieu (1640-1683), romancière à succès, a auguré plusieurs voies dans le genre romanesque, elle a tenu une grande place dans la vie parisienne pendant vingt ans. Elle a beaucoup écrit et sur tous les sujets : un récit en prose et en vers de la farce des Précieuses, elle fait jouer par la troupe de Molière des tragédies, a publié deux volumes en vers. Elle a surtout livré des romans, mi-précieux, mi-érudits, où elle montrait un souci de la vraisemblance et de la brièveté. La Bruyère en cite deux : les Annales galantes et le Journal amoureux, dont raffolaient les dames sensibles de son temps. Parmi la trentaine de ses petits romans, les Nouvelles Affriquaines semblent une heureuse rencontre entre la description des passions et l'histoire de la Méditerranée au XVIIe siècle.
Le roman puise dans les sentiments à partir de situation que les événements dus à la Course pouvaient procurer des analyses psychologiques et des scènes de passions et de galanteries.
Les Nouvelles Affriquaines s'inscrivent dans l'histoire des relations de la France avec les beys de Tunis au XVIIe siècle.
L'auteur a choisi comme cadre pour ses aventures galantes la ville de Tunis et le palais du Bardo. Le cadre du récit est bien celui de Tunis province de l'empire ottoman depuis 1574. Le pays est placé sous l'autorité d'un pacha, représentant du grand seigneur, et gouverné par un Divan ou Conseil, composé des officiers supérieurs de la milice Les principaux personnages appartiennent aux différentes strates de la société tunisienne sous les beys mouradites. Nous retrouvons comme protagoniste principal le Bey Mahemet Lapsi (Mohamed El Hafsi, fils de Mourad II), le personnage du renégat qui n'est autre que le célèbre Dom Philippe, les captifs français, génois et espagnols, les marchands napolitains… Madame de Villedieu n'a jamais visité Tunis. Les descriptions, le plus souvent fidèles à la réalité, sont inspirées de la lecture de l'Amoureux africain roman de Sébastien Bremond, selon la thèse de Micheline Cuénin. Autre source d'inspiration de Madame de Villedieu : le Chevalier d'Arvieux qui évoque dans ses Mémoires une alliance tuniso-française qui faillit être rompue par suite du refus de livrer deux chevaliers de Malte, finalement offerts par Mohamed El Hafsi au roi de France. Autre élément inspiré sans doute par d'Arvieux : c'est le fameux renégat dont elle promet à plusieurs reprises les aventures, il s'agit de Dom Philippe, qui servit et conseilla les négociateurs français. Ses aventures sont racontées également par d'Arvieux (Mémoires, TIII p 404 et p 505-523) Dans ces Nouvelles Affriquaines fiction et réalité s'interpénètrent, les détails géographiques et historiques donnent aux personnages romanesques l'illusion du réel.